Parcours de vie…

2004, j’ai 38 ans, je viens de me marier, et suis papa d’une fille de 8 ans d’une première relation. Je suis musicien intervenant à l’école dans la région stéphanoise et décide de tout quitter pour suivre mon épouse à Marseille, à qui on propose un poste intéressant.

De mon côté, je ne retrouve pas de poste équivalent et contracte des crédits, sans en informer mon épouse, pour faire face aux échéances de mon véhicule et aux charges de la maison que l’on vient d’acquérir (2006).

Je vais bien retrouver quelque chose dans mon domaine…petits projets ici et là, mais insuffisants au regard de notre budget.

Nous avons ensemble deux filles en 2005 puis 2007.  Les crédits et les charges alourdissent notre budget à tel point que l’on ne peut plus faire face. Je dois expliquer à mon épouse ma situation financière réelle et décide, trop tardivement, de prendre n’importe quel travail (tirer des sacs de la poste de nuit, manœuvre sur un chantier, où mes études supérieures en musicologie sont inutiles).

Mon épouse se sent trahie. Nous sommes contraints de vendre la maison et mon épouse demande le divorce.

J’appellerais cela une descente aux enfers.

 

Fin 2008, revenu dans la région Rhône Alpes sans travail et lourdement endetté, mes parents m’hébergent pendant plusieurs mois, étant moi-même dans l’incapacité financière de prendre un logement.

Dès lors que j’ai retrouvé un travail stable dans mon domaine, mes parents m’ont acheté un petit appartement avec leurs moyens (très vétuste et à rénover entièrement). Mes compétences en bricolage et les chantiers pendant plusieurs mois sur Marseille vont alors prendre tout leur sens.  

Je veux coûte que coûte recevoir décemment mes filles (1, 2 et 11 ans pour l’aînée), ce que je n’ai pas pu faire depuis des mois. Il me faudra deux ans pour rénover de fond en combles cet appartement et le transformer en nid douillet et coquet.

 

2009, un ami me parle de l’Espace Solidarité Passerelle. Je rencontre alors Denis accompagnant ESP : échanges bienveillants, mise en place d’un rééchelonnement de mes dettes, calcul du budget, d’un reste à vivre décent, objectifs.  Le temps passe, avec de nouveaux objectifs, des échanges détendus et conviviaux, des confidences parfois, des démarches aussi, ici, des courriers pour lever l’interdiction bancaire, ou là, pour faire valoir mes droits auprès des assurances suite à un accident. Cela a duré sept ans.  Je m’y suis tenu, mois après mois, rendez-vous après rendez-vous. J’étais redevable vis à vis de l’ESP dont l’aide a été providentielle et substantielle, mais aussi vis à vis de moi-même. J’avais à cœur d’être digne de la confiance que m’avaient accordé l’ESP et…mes parents. J’ai honoré toutes mes dettes et peux me regarder dignement dans la glace.

     Je voyais au départ ces rencontres mensuelles comme un contrôle, auquel je n’avais pas d’autre choix que de me contraindre. Loin de cela, ce fut un accompagnement, un soutien bienveillant et des échanges avec un interlocuteur qui m’a respecté dans ce que j’étais et ne m’a pas jugé sur mes erreurs passées. J’ai pu reprendre confiance en moi et en la vie.

Cela a été, pour moi, une très belle leçon de vie et d’humilité. Nous pouvons tomber et, en soi, c’est la vie. En revanche, la manière que nous choisissons pour nous relever peut changer littéralement une vie. Nous faisons tous des erreurs :  mais quelles que soient leur forme et leur ampleur, savoir les reconnaître et les comprendre est nécessaire au changement de paradigme. Il me semble aujourd’hui indispensable d’en parler et de ne pas se refermer sur soi que ce soit par pudeur ou par orgueil.

   

Aujourd’hui, je suis remarié, avec Christine, qui connaît mon passé et me fait totalement confiance. Je travaille à plein temps, comme musicien intervenant et chef de chœur.

Je me suis associé avec un ami pour créer une SCI, fort de mes compétences acquises dans le domaine du bâtiment. Nous sommes propriétaires bailleurs d’une maison et d’un appartement, sur Saint Etienne, loués en collocations étudiantes. Nous sommes maintenant sur un projet d’achat d’immeuble, avec un partenaire financier prêt à nous suivre.

 Je suis également propriétaire d’une maison sur St Genest Lerpt entièrement rénovée, louée également à cinq étudiants. Je tiens à préciser que tout cela a été réalisé avec mes propres ressources (les banques me font aujourd’hui entièrement confiance).

Nous habitons avec mon épouse, dans le même tènement immobilier, une maison de 260 m2.

Je peux financer les études d’ostéopathie de ma fille aînée, particulièrement onéreuses et participer financièrement aux activités de mes deux autres filles. Elles ont chacune leur chambre et viennent chaque semaine, avec des relations saines et apaisées avec la maman.

Nous sommes dans une situation matérielle confortable. Il y a dix ans, je n’aurais même pas envisagé pouvoir redevenir propriétaire un jour. C’est une belle victoire dont je peux aujourd’hui être fier. Cela s’est fait pas à pas, avec des objectifs modestes au départ, fixés d’un commun accord avec Denis, avec un travail de reconstruction intérieure, un peu (beaucoup parfois) de patience et d’humilité.

 

Rien n’est jamais figé. Chaque acte que nous posons à ses conséquences, sans rapport avec la fatalité. Il ne tient qu’à nous de décider de ce que sera demain, pour nous-mêmes et pour les autres, par voie de conséquence.

                                                                                                                              Pierre